C'est quoi le calcul des cotes au Poker ?
Pour la plupart des néophytes ou de ceux qui ne jouent pas au poker, les tendances de gains ou de pertes sont souvent le résultat du hasard ou des variations de la chance. Ces derniers seront vite déçus car il ne s'agit aucunement d'un hasard si les joueurs qui se placent en tête des championnats mondiaux sont souvent dans le même top 100 chaque année. Avec 100 sur quelques millions de joueurs de poker, le hasard n'a plus sa place. Les mathématiques prennent donc tout leur sens. Toutefois, la notion de « chance » est en petite partie vraie. « Petite » car même avec toutes les meilleures chances du monde, un débutant ne battra jamais un joueur professionnel. Et « vraie » car même pour les meilleurs joueurs mondiaux, la victoire se joue parfois à rien. Ces quelques chiffres pour illustrer la réalité sont nécessaires car pour gagner, d'autres outils qui servent à éliminer - ou éclaircir – le concept de « chance » s'avèrent nécessaire.
Ces outils, notamment le calcul des Outs et le calcul des cotes, sont indissociables du poker car ils sont parmi les principaux piliers d'une prise de décision difficile sur une table de poker. Les autres piliers sont la lecture, l'instinct et la sélection des mains à jouer.
Avant de calculer les cotes, il est nécessaire de voir comment calculer les Outs et le pourcentage de chances d'améliorer sa main. Pour rappel, les « Outs » sont les cartes qui restent à sortir pour pouvoir compléter les mains jouées. À titre d'exemple, avec une paire de 3, il reste 2 outs à tirer pour faire un Carré de 3. Ou encore, il y a 9 Outs pour faire d'une main pareillée à pique, une Flush – 13 piques dans un jeu de cartes moins les 2 déjà en main et les 2 sur le Board - Maintenant, le calcul du pourcentage de l'amélioration des chances est basé essentiellement sur le Flop et la Turn. La Turn car il n'y'a plus d'attente d'amélioration à la River. Le principe est fort simple, au Flop, multiplier le nombre d'Outs par 4 et par 2 à la Turn. Les résultats traduisent respectivement le pourcentage d'amélioration de la main au Flop et à la Turn. 9 × 4 = 36 % au flop et 18 % à la Turn.
Les Outs et le pourcentage de chances d'amélioration assimilés, le calcul des cotes est nécessaire pour aider à une prise de décision finale.
Une cote qui est favorable, impose, sur le principe, d'investir peu pour gagner beaucoup. Pour calculer la cote, des chiffres s'imposent. L'on se retrouve avec un tapis de 7000, le pot après le Flop se trouve à 12000 et l'adversaire avec un tapis de 6000. Il envoie All-in et vous, vous êtes sur un tirage Flush à pique. Décision difficile pour l'instant à vue d'œil. Cependant, avec 19000 dans le pot et 6000 à envoyer, la décision devient plus simple. Soit 19000 / 6000 contre 1 = 3,16 contre 1. 1 à investir rapporte 3,16. Le triple rapporté sur la tendance facilite la décision de payer le tapis adverse. Dans le cas où, il s’agirait de payer 19000 pour gagner un pot de 6000, la réponse est également très simple : se coucher.
Des calculs plus poussés sont encore possibles afin d'affiner au maximum la décision mais une bonne maîtrise du calcul rapide des Outs et du calcul de la cote devrait suffire dans un premier temps.
Pour aller plus loin
Dans un tour d'enchères donné, nous avons déjà payé X. L'unité monétaire est ramenée au montant du gros blind. Par exemple, au premier tour, X = 1 pour le gros blind, X = ½ pour le petit blind, et X = 0 aux autres positions. Un adversaire relance de R. Nous possédons une main qui offre des chances de gain de G%. Faut-il abandonner la mise initiale X sans combattre, ou bien payer la relance adverse pour défendre notre mise ? L'équation, sous sa forme la plus simple, lorsque nous ne sommes attaqués que par un seul adversaire, s'exprime en termes d'espérance E. E (tenter sa chance) > E (abandonner la mise initiale) se traduit par (R + 1½ − X).G% − R.(1 − G%) > − X
Cette équation, bien sympathique pour un mathématicien (niveau classe de première), permet de prendre une décision. Mais elle peut sembler compliquée à appliquer à la table. Voilà pourquoi, au poker, on raisonne avec les cotes financières. Transformons légèrement l'équation.
Soit M le montant du pot avant notre décision. Par exemple, au premier tour d'enchères, s'il n'y a qu'une seule relance, M = R + 1½.
Soit m le montant qu'il faut payer. Au premier tour d'enchères, s'il n'y a qu'une seule relance, m = R − X.
Moyennant une reformulation de l'équation d'équité, on obtient facilement le théorème des cotes : Payer la relance adverse si : M/m > (1 − G%)/G%
Cette présentation est différente d'un calcul d'espérance de gain : elle compare le ratio des montants (profits) [M : m] (dites « M contre m ») au ratio des probabilités (risques), [p(A) : p(B)], la « cote ». Cette dernière compare les horizons favorables B aux horizons défavorables A. Les chances de gain G% sont égales à p(B), soit Card(B) / [ Card(A) + Card(B) ].
Les parieurs évoquent par exemple une cote de 2 contre 1 pour une relance à la hauteur du pot.
Une application concrète
C'est à la turn, troisième tour d'enchères, qu'elle est vraiment facile à appliquer, même mentalement. Au flop, c'est plus compliqué. Voici un exemple : il reste deux joueurs en lice (un seul adversaire).
Troisième tour d’enchère :
Main : A♦, D♦
Flop : 3♣
Turn : R♦, 7♠, 8♦
Il ne reste qu'une seule carte à découvrir (la river) après ce tour d'enchères. Notre main : A-D assortis, et un tirage de couleur « max ». Si la river est un carreau, nous avons un jeu très fort : une couleur As. Les 7♦ et 3♦ poseraient éventuellement problème (fulls et carrés adverses possibles), mais pour simplifier, nous supposons que toutes les couleurs sont gagnantes.
À ce stade, le montant du pot vaut 1000. L'adversaire relance alors de 500. Est-il rentable de payer ? Soyons réalistes, il faut raisonnablement supposer que l'adversaire ne bluffe pas : il possède certainement déjà au moins une paire, par exemple avec R-x, 8-x, 7-x, ou une paire en main. Cette question se résout mentalement par les cotes.
Nous devons payer 500 pour gagner 1500. La cote du pot vaut [1500 : 500], c'est-à-dire 3 contre 1.
Pour le tirage de couleur, il y a 9 cartes favorables sur 46. Cela dit, il n'est pas déraisonnable de considérer que les As seraient aussi gagnants (la dame est un bon « kicker »). Le nombre de cartes favorables serait donc 12, et la cote de la main vaut [(46-12) : 12], c'est-à-dire [34 : 12], ou bien 2,8 contre 1. En pratique, on se contente de constater sans calcul que cette cote est clairement inférieure à 3 contre 1 (36 : 12), donc meilleure. Par conséquent, le risque du tirage est couvert par la cote du pot.
Le profit provient de la cote du pot : nous pouvons gagner 3 fois notre mise.
Le risque provient du tirage : nous ratons dans une proportion de 2,8 contre 1.
Le profit étant objectivement supérieur au risque : il est rentable de payer l'enchère adverse plutôt que d'abandonner le coup. (En tournoi, ce serait beaucoup plus compliqué, à cause du montant des tapis). Attention toutefois : un joueur prudent ne compterait pas les As comme des cartes objectivement gagnantes (imaginez 8-8 dans la main adverse !).
Voici comment on procède : par exemple, les trois As ne compteraient que pour 1 « out », et non 3 (Out = carte gagnante). Ce sont des outs « fractionnaires ». Dans ce cas, la cote de la main devient (46 − 10) : 10, c'est-à-dire 3,6 contre 1. Le risque est alors plus élevé que le profit : il vaut mieux passer. Cette donne illustre que nous sommes, une fois de plus, à la frontière de la rentabilité. La décision n'est pas aisée...
Introduction de paramètres plus fins
D'autres facteurs que le montant du pot et les chances de gain interviennent. L'influence de la position est gérée par le « Gap » et « l'effet sandwich », des concepts introduits par David Sklansky (champion de poker et mathématicien). Le modèle qui intègre ces nouveaux paramètres devient :
• S1 est une sécurité sur la position post-flop. Elle varie selon la distance au bouton.
• S2 est une sécurité sur la chance de gain qui intègre l'effet sandwich et couvre le risque de squeeze et de sur-relance d'un troisième joueur.
L'équation permet d'établir les matrices de défense à toutes les positions, contre n'importe quel montant de relance, en fonction de la position et du tempérament du relanceur (plus ou moins agressif). Voici par exemple jusqu'où on peut payer (en multiple du gros blind) en position de gros blind contre la relance d'un seul adversaire, réputé prudent, placé au bouton. « RR » indique une possibilité de sur-relance.
L'adversaire attaque avec l'une des mains encadrée en rouge. Nous possédons l'une des 169 mains de départ. Le tableau donne le montant de la relance adverse maximale que l'on peut tenir, en multiple du gros blind. Au-dessus, il faut passer et abandonner la mise. Par exemple : avec 6-5 assortis en main, on peut payer une relance adverse jusqu'à 3½ gros blinds. Une paire de 8 permettrait de sur-relancer.
Cotes financières préflop
Nous pouvons résoudre deux problèmes, avec respectivement paire 6♥ 6♣ et les connecteurs 6♥ 5♥ au gros blind. Dans les deux cas, le pot vaut 125 et nous devons décider s'il vaut mieux payer 35 ou bien passer, et abandonner notre mise initiale de 10.
Nous avons calculé les chances de la paire de 6 : 21,39%, et celles de 6♥ 5♥ : 22,04%.
Ramenées en cotes :
• Paire de 6 : [(100 – 21,39) / 21,39 contre 1] = [3,68 contre 1]
• Paire 6-5 assortis : [(100 – 22,04) / 22,04 contre 1] = [3,54 contre 1]
• Alors que la cote du pot vaut [125 : 35], c'est-à-dire [3,57 contre 1].
Conclusion : la paire de 6 devrait passer, mais les connecteurs assortis sont jouables.
On montre de la même façon que, contre une relance de 40 au lieu de 45, les deux mains auraient été jouables, et contre une relance de 50, les deux devaient passer. Voilà, entre autres, à quoi servent les probabilités au poker. La variation d'un seul paramètre change toute la configuration de la donne.